À Saumur, les nombreux boires de la Loire et du Thouet ont très tôt favorisé l’implantation de moulins hydrauliques, moulins bateaux et moulins pendus, sous les arches desquels on suspendait des roues à aubes qui entraînaient les meules situées au-dessus. Ils ont alimenté la ville en farine pendant tout le Moyen Âge. Puis, les premiers moulins à vent firent leur apparition dans l’ouest de la France, peut être rapportés d’Orient par les Croisés. Les archives municipales de Saumur indiquent qu’un premier moulin à vent fut construit dès le 13e siècle dans le hameau de Chaintres à Dampierre-sur-Loire. Les crues répétées ruinant les moulins à eau, les premiers moulins à vent commencent à s’implanter à partir des 15e et 16e siècles. Le coteau saumurois, balayé par les vents, devient alors un emplacement de choix et se hérisse de moulins que l’on appelle alors des moulins turquois, un nom qui pourrait évoquer leur origine orientale. Ce type de moulin ressemblait à une tour creuse d’environ cinq mètres de hauteur dont le cœur était connecté au niveau du sol par un conduit horizontal. La partie haute portait une cabine en bois supportant les ailes et comprenant les meules. Toutefois, ce type de moulin connaît d’importantes modifications au début du 17e siècle. Il est progressivement remplacé par le moulin cavier né d’une ingénieuse adaptation du système aux troglodytes de plaine de Doué-la-Fontaine au 16e siècle. Dans les années 1630, de Lincler et Collignon offrent une vue du coteau de Saumur sur lequel figurent déjà 6 moulins à vent dominant le quartier de Fenet. Jusqu’à leur apogée au 19e siècle, ces dizaines de moulins ont ainsi joyeusement offert leurs ailes au vent de galerne, vent du nord-ouest, qui souffle en rafale et remontent la Loire jusqu’en Touraine.
Fonctionnement du moulin cavier
Le moulin cavier est particulièrement reconnaissable à ses trois parties distinctes : D’abord la hucherolle, cette cabine en bois mobile qui abritait une partie du mécanisme du moulin. La longue échelle que l’on voit du côté opposé aux ailes permettait au meunier d’accéder à la hucherolle, et parfois aidé d’un âne, de la faire pivoter à 360° afin de positionner les ailes du moulin face au vent. Ensuite, on peut voir le massereau, grand cône de pierre creux sur lequel repose la hucherolle. Le massereau est traversé au centre par un axe métallique : le farfut ou gros fer. Il constitue le mécanisme de rotation chargé d’actionner les roues qui entraînent la meule tournante. Les grains écrasés passaient ensuite dans des paniers, sacs ou trémies de réception. Enfin, on distingue la masse ou cave, une impressionnante enfilade de salles voûtées parfois même troglodytiques contenant les meules, les aires de stockage du grain et souvent l’habitation du meunier.
Un mécanisme pratique et performant
Plus pratique et surtout plus performant, ce nouveau moulin s’est rapidement imposé dans le paysage saumurois. En effet, les activités telles que le montage et l’entretien des meules, le stockage et le chargement des grains, ainsi que l’évacuation de la farine jusque-là effectuées en hauteur se trouvaient ainsi déplacées dans la cave et rendues plus accessibles pour le meunier. Les charpentiers amoulageurs, à l’origine spécialisés dans la fabrication des roues à aube, furent mobilisés pour la réalisation des hucherolles mobiles et des divers mécanismes compliqués de la machinerie. Ce sont eux aussi qui assemblent et préparent les lourdes meules striées de sillons issues des silex renommés de Cinq-Mars-la-Pile. Les moulins étaient souvent édifiés par paire au plus près des vignes où les meuniers pouvaient ainsi travailler et compléter leurs revenus. Ils formaient de véritables communautés, souvent propriétaires de plusieurs moulins auxquels ils donnaient leur nom. L’un des deux moulins dit moulin mouturier, plus rudimentaire, écrasait simplement le grain donnant la mouture, une farine de céréales mélangées composant le pain bis, moins raffiné, mais plus copieux
consommé dans les campagnes. Le second moulin, dit moulin fromentier, plus perfectionné, affinait la mouture produisant la farine blanche entièrement débarrassée de son et réservée aux boulangers de la ville.
L’entoilage
Les ailes dont l’armature de bois mesurait entre 12 et 13 mètres étaient recouvertes de toiles. L’entoilage était une opération délicate et surtout dangereuse. En effet, en fonction de la force du vent, le meunier pouvait grimper plusieurs fois par jour sur les ailes pour installer, ajuster, replier ou déployer les grandes toiles de lin. Cet entoilage qui rappelle par son vocabulaire et son éprouvant maniement, les savoir-faire en usage sur les anciens gréements, fut remplacé à partir de 1840 par le système Berton. Les ingénieurs Berton, père et fils, mirent au point ce nouveau type d’ailes constituées d’un assemblage de planches mobiles que le meunier avait la possibilité de régler de l’intérieur de son moulin sans avoir à monter sur les ailes.
La rue des Moulins
À l’est du château de Saumur, la rue des Moulins conserve sur 1340 mètres les vestiges de cette longue histoire. En effet, on dénombra pas moins de 32 moulins en enfilade sur le bord du coteau.
Alors même que la plupart a totalement disparu, ces moulins ont sculpté la rue et lui ont donné cette physionomie particulière encore perceptible aujourd’hui. C’est une rue pourvue de bancs et de points de vue remarquables, dont un panorama à 180°, où il est agréable de se promener en surplomb de la Loire et du quartier de Fenêt. La numérotation métrique de la rue indique le nombre de mètres parcourus à partir de l’embranchement de la route de Champigny.
L’exemple du Moulin du Vigneau
L’apogée des moulins caviers fut de courte durée, car, dès le début du 19e siècle, les premières minoteries industrielles, mues par l’eau ou la vapeur s’imposent, fournissant des performances et des rendements bien supérieurs. Abandonnés définitivement dans la première décennie du 20e siècle, les moulins à vent sont peu à peu démantelés par les hommes ou les éléments naturels. Toutefois, parmi ces anciens moulins abandonnés, il en est un dont les vestiges focalisent toutes les attentions encore aujourd’hui. C’est le moulin du Vigneau situé dans les Hauts-Quartiers de Saumur. Son histoire remonte aux années 1780 avec la construction de deux moulins jumeaux au milieu des vignes. En 1916, la plupart des hommes sont mobilisés à la guerre et les ailes du moulin du Vigneau cessent définitivement de tourner. Plusieurs propriétaires se succèdent alors, mais le moulin se dégrade faute d’entretien. Abandonné, il est progressivement dépouillé de ses pierres jusqu’à l’assaut final des pelleteuses lors de l’aménagement du quartier dans les années 1980. Le moulin du Vigneau est alors victime d’un éboulement qui le laisse défiguré. Grâce à la ténacité du pharmacien du quartier qui alerte les pouvoirs publics dès 1976, la ville de Saumur rachète le site devenu dangereux à l’Office Public HLM et une équipe de bénévoles entreprend de le restaurer. Même si le Moulin du Vigneau a perdu son mécanisme, ses ailes et sa hucherolle, il conserve une partie de son massereau et de sa masse, un ensemble de trois caves voûtées en berceau maintenues par des contreforts. Les caves latérales servaient de stockage et celle du centre menait aux meules situées sous le massereau. Depuis cette cave, on pouvait également accéder à la chambre du meunier. De la cave de droite, un escalier donnait accès à la terrasse végétale de la masse.
Source : Pour en savoir plus sur l’histoire des moulins à vent Saumurois, consultez le focus réalisé par la ville de Saumur : https://www.ville-saumur.fr/images/Focus_les_moulins_%C3%A0_vent_de_Saumur_2022.pdf
Copyright © IGNIS Communication Tous droits réservés
Commentaires 2
Très bel exposé, qui nous rappelle qu’un geste aussi banal qu’acheter une baguette de pain est le fruit du concours de durs travaux et de l’ingéniosité des hommes.
S’ils ne sont plus fonctionnels aujourd’hui, les moulins caviers -du moins ce qu’il en reste- demeurent un pointe de poésie dans nos paysages angevins
Bonsoir. Oui merci pour l article.