Cette semaine la ville de Saumur est le théâtre d’un tournage. Le réalisateur Slony Sow, qui a notamment réalisé le film Umami No Tabi tourné à l’Abbaye de Fontevraud avec entre autres Gérard Depardieu et Sandrine Bonnaire, tournait un court-métrage autour de la crise ukrainienne. « L’idée m’est venue il y a un peu plus d’un mois lorsque je voyais les images de ces vieilles dames, de ces enfants réfugiés dans des sous-sols en Ukraine pour se protéger de la guerre. Les enfants gardaient leur âme en jouant presque innocemment avec trois fois rien. Les images de cette dame qui avait survécu à la Seconde Guerre mondiale que certains accusent de nazisme. Cette force, cette tristesse, cette abnégation m’ont touché, et m’ont empêché de dormir durant plusieurs nuits. Puis j’ai entendu l’appel de Matthieu Kassovitz qui disait que chacun devait faire avec ce qu’il avait. j’ai donc décidé de prendre ma caméra et d’écrire le scénario d’un court-métrage pour réaliser un petit quelque chose avec mes moyens et mon art sur ce sujet », explique le réalisateur.
Le pitch
Son film de 14 minutes, intitulé « Dolya », racontera le voyage d’une mère et sa fille, Kira, depuis l’Ukraine jusqu’en France pour fuir le conflit. La jeune fille qui a dû laisser son chien dans son pays est inconsolable et triste. Le voisin de cette famille de réfugiés, Jo, un homme un peu bourru et solitaire, décide d’aider cette famille en faisant le voyage dans le sens inverse pour aller chercher ce chien, nommé « Dolya ». Ce voisin apprendra à la petite fille et à la mère que leur père et mari, resté en Ukraine, a été abattu comme tant d’autres hommes. Une fin heureuse/amère pour la petite Kira, réjouie de retrouver son compagnon à 4 pattes, mais qui sort de l’innocence en apprenant la mort de son père.
« Pas une simple actualité parmi l’actualité »
À travers cette réalisation, Slony Sow a souhaité aborder la grande histoire par le prisme de celle d’une famille, de vies humaines. « Je me suis demandé comment je pouvais personnifier cette tristesse, cette guerre, lui donner un visage. C’est ceux de cette famille que le public aura en tête. Il m’importait de traiter du sujet sans jugement, juste en proposant un parcours, en montrant une histoire. Cela me tient particulièrement à cœur que la guerre en Ukraine ne soit pas pour nous dans nos vies d’Occidentaux et de bourgeois qu’une actualité parmi les actualités. Je veux que cela résonne que l’on continue d’en parler, d’alerter de sensibiliser dans un monde où tant de gens sont désinformés », détaille-t-il avec émotion. Il veut également que le message soit universel et puisse résonner pour tous les réfugiés. « La caméra apporte cette possibilité de toucher le spectateur et de rentrer dans l’intime. On se plonge dans un regard et tout prend sens. Et cela n’est pas évident puisque ce sont des gens incroyablement forts. Ils ne se plaignent jamais, ils ont mis 10 jours pour arriver en France et faire un voyage qui n’en prend normalement que deux, ils sont restés 15 jours à Angers avant d’arriver sur Saumur, ils ont été ballotés de ville en ville, chez des gens qu’ils ne connaissaient pas. Ils sont impressionnants et remarquables. C’est une leçon de vie. »
Un défi technique
Le film a été écrit en un mois et sera tourné en l’espace de 3 jours cette semaine aux Restos du Cœur de Saumur et dans un appartement prêté aux réfugiés ukrainiens dans le quartier du Chemin Vert. Il sera également monté dans la foulée en quelques jours afin de pouvoir être présenté lors du Festival de Cannes qui débute cette semaine. « Ils ont mis 10 jours pour traverser l’Europe, on peut bien prendre un mois de notre vie de confort pour faire un petit film. Mon rêve est de pouvoir faire monter les marches de Cannes à cette petite et sa maman », souligne Slony Sow. L’équipe est composée de seulement quatre personnes, un assistant de production, Nicolas Nithart, Stéphane Dalmat, assistant réalisation, Andréa Camp-Torres assistante décors-costumes et accessoires et le réalisateur. Une dizaine d’acteurs jouent dans ce film dont 4 Ukrainiens dont ce n’est pas le métier. « Lorsque j’ai lancé l’idée j’ai été étonné de voir que j’avais très peu fédéré le monde du cinéma autour de ce projet, en raison du sujet, en raison du côté un peu hors normes de la réalisation coup de poing et éclair. Par contre, j’ai eu une mobilisation des gens lambda qui a été incroyable. Ce projet est devenu vital pour ce petit cercle », témoigne le réalisateur. S’il regrette que certains noms du cinéma ne l’aient pas suivi dans ce projet, il estime toutefois : « C’est finalement une certaine chance, car le message prend une autre portée du fait que ce sont de vrais Ukrainiens qui ont vécu les choses et pas des acteurs. C’est toutefois plus difficile pour porter le film et le médiatiser. Nous avons également dû faire avec des moyens moindres. » Tous les intervenants sur ce film sont bénévoles et il a été financé sur fonds propres du réalisateur. L’équipe du film a pu compter sur une belle mobilisation et un investissement du peuple ukrainien. « Nous avons notamment dans notre équipe une actrice ukrainienne qui n’est autre que la femme du consul. Nous avons donc pu échanger avec lui très naturellement pour peaufiner le film, affiner la véracité, sur les traditions, les prénoms, les dialogues… afin d’être au plus près et au plus juste de la réalité », confie Nicolas Nithart. Après Cannes où il sera dévoilé pour la première fois, une projection devrait ensuite être organisée à Saumur. Pour la suite, l’histoire dira ce qu’il adviendra de ce court-métrage et comment les canaux de diffusion se l’approprieront.
Copyright © IGNIS Communication Tous droits réservés
Commentaires 2
Magnifique !!! Comment en effet rester insensibles aux parcours de ces personnages qui se raccrochent à ces quelques riens qui pourtant changent tout. Que la caméra soit là en témoignage c’est poignant. Bravo et merci pour , mais aussi pour nous.
Bonsoir. Que ce film garde en mémoire cette triste arrivée en France et garde en souvenir le soutien que nous avons transmis aux familles Ukrainiennes
Merci à vous.