Le saviez-vous ? Comment la Loire s’est transformée en voie de contrebande ?

Plus long fleuve de France, vous l’avez sans doute retenu de vos cours de géographie, la Loire était un axe de communication très important (et très emprunté) durant des siècles. En témoigne la présence de ses nombreux quais, ports et embarcadères, ne serait-ce que par chez nous, en Anjou. Et souvent, s’il y a commerce, la fraude peut s’exercer elle aussi en parallèle, surtout lorsqu’il s’agit du sel.
Photo de Castorly Stock de Pexels

Bien avant l’invention commode de nos réfrigérateurs, la conservation des aliments était un sacerdoce pour le moins complexe qui nécessitait notamment de saler les denrées les plus sensibles. La salaison est une méthode connue depuis fort longtemps pour allonger la durée de conservation d’un aliment puisque le sel sec a la capacité d’absorber l’eau, ce qui ralentit considérablement le pourrissement. Mais ce sel, véritable or blanc, ne pousse pas sur les arbres. Sa production n’a lieu que dans certaines parties du Royaume de France, or il est critique d’en acheminer dans toutes les localités. Pour réglementer les échanges liés à cette denrée sensible est créée la gabelle dès le Moyen Âge. Car oui, le sel est placé sous monopole d’État, il convient donc aux paysans de l’acheter pour pouvoir l’utiliser. La gabelle est donc une sorte de taxe qui, dans certaines régions, va se transformer en véritable impôt direct. Cela pourrait s’arrêter là, mais l’apparition d’une véritable contrebande organisée suggère qu’il existait une grande disparité entre les territoires.

Entre les zones libres de gabelle (comme la Bretagne), celles qui en payaient peu (comme l’Aquitaine) et celles qui en payaient énormément (comme Paris ou l’Anjou), les différences de prix sont démesurées. Pour donner un ordre d’idée, entre une région affranchie de taxe et une autre subissant la “grande gabelle”, le prix pouvait littéralement décupler, voire bien plus que cela. Et l’une des frontières fiscales les plus tendues était bien celle entre la Bretagne et l’Anjou. C’est ainsi qu’une nouvelle activité s’est développée face à cette taxe très impopulaire : celle des faux-sauniers. Il n’était pas rare que des bateliers (gabelous, fermiers devant s’acquitter de la gabelle) descendent la Loire pour aller acheter du sel en grande quantité et à bas coût sur les marchés bretons en marge de la frontière pour ensuite le revendre là où la taxe était à son paroxysme. Ce marché secondaire a fait vivre de très nombreuses familles durant de longues décennies, au nez et à la barbe des autorités. D’ailleurs, mieux valait-il ne pas se faire prendre si les paysans ne voulaient pas finir sur les galères royales ou être déportés dans les colonies du Nouveau Monde. La gabelle n’a été définitivement supprimée par décret que le 31 décembre… 1945 ; après un nombre conséquent d’abrogations et de restaurations, selon le régime politique en vigueur en France.

Nous pouvons sans doute nous réjouir de la disparition de cette taxe profondément injuste, même si, d’une certaine façon, elle a été remplacée par d’autres, toujours universelles mais plus indirectes et égalitaires (comme la TVA).

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