« Madame, Monsieur le Député,
Madame, Monsieur le Sénateur,
Nous avons l’honneur de nous adresser collectivement à vous, au nom de l’Association des petites villes de France, qui fédère les collectivités de Métropole et d’Outre-mer, entre 2 500 et 25 000 habitants, et représente plus de 26 millions d’habitants. Vous aurez tout prochainement à discuter, à débattre, à amender et à voter les projets de loi de finances pour 2023 et de programmation 2023- 2027. C’est l’acte majeur de la fonction parlementaire. C’est pourquoi nous tenions à vous faire part de nos inquiétudes quant à certaines dispositions qui risquent, si elles sont adoptées en l’état, d’aggraver sensiblement la situation financière, déjà tendue, de nombre de collectivités territoriales, et de nos petites villes, tout particulièrement.
Le risque est, en effet, très réel d’un véritable « blackout territorial » qui empêcherait nos collectivités de faire fonctionner, dans des conditions normales, les services publics locaux et de continuer à investir. En effet, les effets néfastes sur la croissance et l’emploi menacent d’accroître encore plus la fracture territoriale. C’est donc à nos yeux, l’essence même de ce qui constitue le pacte républicain qui pourrait être définitivement abimé dans nos territoires.
Après la crise sanitaire, qui a coûté près de 7 Mds€ aux collectivités, celles-ci font face maintenant à l’explosion du prix des matières premières, des denrées alimentaires et de l’énergie, dont les petites villes sont proportionnellement les premières consommatrices en raison de leurs charges de centralité. Certaines d’entre-elles voient leurs dépenses d’énergie bondir, de façon parfois vertigineuse, jusqu’à parfois 600 %. En dépit de mesures d’économies déjà prises, ce choc ne sera pas facile à absorber en 2023. Si les budgets locaux ont été jusqu’ici résilients, l’année 2022 est marquée, pour la première fois depuis longtemps, par une baisse généralisée de l’épargne brute.
Les Maires préparent donc leur budget dans une conjoncture particulièrement anxiogène et vont devoir inéluctablement réduire les investissements qu’ils prévoyaient de réaliser au cours de leur mandat municipal. L’urgence climatique et la transition écologique appellent pourtant des réponses fortes et des investissements d’envergure. Et, nous vous rappelons que les collectivités territoriales portent 70 % de l’investissement public. Elles sont des acteurs incontournables pour soutenir la croissance et l’emploi dans les territoires.
Nous souhaitons donc vous alerter sur trois sujets majeurs qui nous tiennent particulièrement à cœur et sur lesquels il faudrait que vous exerciez votre pouvoir d’amendement.
1. Il faut, tout d’abord, permettre aux collectivités d’absorber le choc énergétique
Dans la mesure où les dispositifs visant à limiter, d’ici le dernier trimestre 2023, l’impact de l’inflation et du coût de l’énergie (aide compensatoire et bouclier tarifaire) ne concernent qu’une minorité de collectivités territoriales (nos petites villes en sont exclues) et ne couvrent qu’une faible part de la hausse des dépenses énergétiques, l’APVF demande la mise en place immédiate de mesures d’urgence à destination de l’ensemble des collectivités. D’une part, elle propose la création d’un bouclier énergétique d’urgence plafonnant le prix d’achat d’électricité et du gaz des collectivités à un niveau à définir. Ce bouclier pourrait être financé en partie par un mécanisme européen de prélèvement sur les profits. Cette mesure serait limitée dans le temps jusqu’à retour à meilleure fortune. D’autre part, elle demande des mesures permettant aux collectivités, qui n’ont eu d’autres choix que de signer de nouveaux contrats à des conditions tarifaires très défavorables, d’en sortir sans pénalités. Au-delà, il nous apparaît nécessaire de tirer toutes les leçons de cette crise, et de protéger les collectivités des fluctuations du marché en permettant à toutes celles qui le souhaitent de revenir aux tarifs réglementés de vente (TRV) – c’est-à-dire aux tarifs régulés avant l’ouverture à la concurrence – quels que soient leur taille ou leur budget.
2. Sécuriser le cadre financier des collectivités locales
Dans leur version actuelle, ni le projet de loi de finances, ni le projet de loi de programmation, ne contribuent à renouer la confiance entre l’Etat et les collectivités. Pire, ils risquent de générer une grave crise des finances locales et une chute de l’investissement pour la transition écologique.
Pour protéger la capacité d’autofinancement des collectivités et leur donner de la visibilité pour la programmation de leurs investissements, la dotation globale de fonctionnement doit pouvoir évoluer au même rythme que l’inflation. Entre 2017 et 2021, la non indexation a représenté un manque à gagner de l’ordre de 4 Mds€. Vue la conjoncture actuelle, ces pertes pourraient monter jusqu’à 10 Mds€ entre 2022 et 2027. En outre, les dotations de chaque collectivité doivent être stabilisées effectivement. Nombre d’élus de petites villes font part de leur impossibilité à anticiper le montant de leur DGF d’une année sur l’autre rendant toujours plus difficile l’élaboration du budget.
Enfin, l’APVF s’oppose à toute mise à contribution obligatoire et disproportionnée des collectivités territoriales au redressement des finances publiques. L’État ne peut à la fois demander une réduction drastique des dépenses de fonctionnement et en imposer, sans cesse, de nouvelles. Nous rappelons que les collectivités sont tenues par un principe d’équilibre budgétaire placé sous le contrôle du juge. Le nouveau dispositif d’encadrement de la dépense locale proposé dans le projet de loi de programmation instaure une sorte de mise sous tutelle qui dénature le principe constitutionnel de libre administration.
3. Préserver la dynamique de la fiscalité locale
Comme toutes des associations d’élus, l’APVF est défavorable à la suppression de la CVAE, qui nuira inévitablement à l’attractivité économique des territoires. Dans un contexte de forte tension budgétaire et vu l’état de nos finances publiques, l’APVF s’interroge sur la pertinence d’une mise en œuvre de cette réforme dès 2023. Nous ne comprenons pas, en effet, comment l’Etat, dont l’objectif est de commencer à réduire le déficit public, se prive de recettes à hauteur de 8 Mds€. En outre, la fiscalité économique locale participe au développement des territoires, et à leur attractivité. Elle est une nécessaire contribution des entreprises au financement des services dont elles bénéficient avec leurs salariés. »
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